D’or et de cendre
les ailes hésitantes
ont préféré l’horizon
Auteur/autrice : Olivier VICTOR
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Le premier mot
Le premier mot
comme une pierre posée
à la croisée des moments
vaciller au creux des vertiges
à l’aube d’une naissance
frissonner de ce qu’il adviendra
après les premières fois
avant les jours qui passent
entre les habitudes
pourquoi ne pas s’envoler
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Balade
Comme une balade
inconsciente morcelée
sur des chemins ignorés
s’alléger de ses miettes
ou de ses montagnes
qui sème qui récolte
des histoires éparses
comme des couvertures
tissées de bouts de soi
effleurer la surface légère
des moments fragiles
secondes peaux tendues
sur des secrets d’entrailles
assembler les hasards
en poésies impromptues
résonances intimes
écrire ce qui vibre
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Pour plus tard
ouvrir fermer
ouvrir fermer
ouvrir mettre de côté
pour plus tard
ouvrir fermer
ouvrir ouvrir ouvrir
oublier
mettre de côté
fermer
pour plus tard
oublier
ouvrir ouvrir
fermer ce qui a été oublié
mettre pour plus tard
de côté ce qui est resté ouvert
oublier de fermer
ranger tous les plus tard
dans l’espérance du temps
remplir les vacances
de nos boîtes crâniennes
d’hypothétiques réponses
à nos insignifiances
finir tôt ou tard
par tout
o
u
b
l
i
e
r
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Boucan
BOUCAN
RAFFUT
RAMDAM
CACOPHONIE
VACARME
TINTOUIN
BROUHAHA
CHARIVARI
TINTAMARRE
TOHU-BOHU
TUMULTE
CHAHUT
BAROUFUn joyeux bordel
de mots bizarres
et de la vie en bruit !
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La prière
Notre monde traîne sa mélancolie
fardeau d’un fantasme agonisant
sur des chemins qui s’évaporent
des terres assoiffées
l’écho des lucides peine
à résonner d’une mélodie vaine
aux oreilles des aveuglés
les priorités saignantes
trébuchent les peuples
arrachent les équilibres
suffoquent les avenirs
sous les cendres qui couvent
des humanités persistent
malgré les espoirs entravés
éclats indéfectibles
qui transgressent
l’horizon des grisailles
une percée puis l’accalmie
mais le déluge
des poings se dressent
comme des forêts d’utopies
refuges des imaginaires
essorés par des visions révolues
certains sèment encore
des hypothèses de fertilité
comme des prières lancées
et qui nous murmurent
qu’une autre fois est possible
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Tragédie quotidienne
Dans la lumière des jours
naissant à deux pas
nos consciences endormies
se vivent des tragédies
quotidiennes
silencieuses
inconnues.La disparition
d’une goutte de rosée
sur un linceul de feuilles
en est une.
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J’essaie
J’essaie
J’essaie d’écrire
J’essaie d’écrire ma poésie
J’essaie de laisser vivre ces mots
en dehors de ma tête
ils s’emmêlent et se démêlent
du bout de la mémoire
à la pointe du styloJ’essaie avec les simples
les pas assez dits
les maladroits
les insuffisants
enfouis comme des mains
au fond des pochesJ’essaie d’écrire
des fragments du monde
la poésie même
au creux des maladresses
à coups d’imparfaitsJ’essaie de m’affranchir
libre comme des mots
gros sur les murs des villes
qui hurlent des rages noires
en capitales suintantesJ’essaie de rester fou
un peu tous les jours
avec des mots hors de contrôle
qui éclatent dans l’air
comme des riresEt c’est pas facile
avec les mots poisseux
ceux qui s’accrochent à Ia chair
on voudrait les cracher loin
sans retour possible
les mots asphyxiés
qui grattent au fond de la gorge
et qu’il faudrait tousser
pour s’apaiser
les rouges de pudeur
prononcés à fleur de lèvres
pour ne pas déranger
les exaltés qui ouvrent
les regards de surprise
ou de méfiance
et les mots incompris
qui ont le pouvoir de tout casser
qu’on ne dit qu’une foisJ’essaie d’écrire ma poésie
Je trace mes mots
comme des lignes de désir
au milieu de mes silences
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Indifférence
Elle t’observe
Elle te frôle
Elle te laisse gesticuler
Elle croit percer ton mystèreElle finira par s’en aller sans un mot
Indifférence
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Toiles lumière
Dans le ciel des villes,
nous avons tissé des toiles de lumière,
comme des attrapes-rêves,
pour capturer nos fantômes
dans des mailles incandescentes,
pour chasser des recoins sombres
nos monstres intérieurs.Nous avons effacé les étoiles
et sacrifié les constellations
qui guidaient les voyageurs
à travers les nuits sans lune.Ces repères immuables,
nous les avons noyés
dans des océans de clarté.Nous voilà aveugles
en plein lumière.Au milieu des ruches de béton,
nous avons dressé des fleurs de métal
dans des champs de nuages.Chaque soir,
quand les couleurs s’éteignent,
que les ombres s’étirent,
nous en récoltons le nectar
qui alimentera
nos rêves électriques.